Sarah Harbarth utilise les déchets alimentaires pour transformer l'industrie de la chaussure.

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Chez Punctuate Design, nous aimons mettre en avant les designers qui s'engagent pour le développement durable, ceux qui veillent à la circularité des produits qu'ils conçoivent et qui de façon générale intègrent la préservation de l'environnement dans leurs travaux. À travers les « personnalités du jour », nous souhaiterions vous présenter ces designers qui nous inspirent au quotidien.

SARAH KIM HARBARTH

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Aujourd'hui, nous vous présentons Sarah, une jeune designer suisse, créatrice d'un nouveau matériau innovant appelé KUORI.

KUORI est un concept audacieux et innovant qui utilise les déchets organiques comme matière première. Cette année, Punctuate Design a collaboré avec elle pour la conception d'une semelle de chaussure. Voici son histoire...



Son engagement

Très tôt dans son enfance, Sarah apprend à tenir compte de l’environnement qui l’entoure. C’est à travers son éducation, à travers des petits gestes du quotidien comme le fait de trier ses déchets au lieu de simplement jeter sa nourriture, qu’elle éveille progressivement sa conscience. Dans cette même perspective, elle passe rapidement à un régime végétarien, puis végétalien. Sarah accorde à la nature une place non négligeable, autant dans sa vie personnelle que professionnelle. Elle veille à ce que tous ses concepts soient responsables, en accord avec ses valeurs.

“En tant que concepteur de produits, il est particulièrement important pour moi de créer un design durable, car la responsabilité doit déjà être intégrée dans l'idée", explique-t-elle.  

Son travail de designer matériaux

À l'origine Sarah a suivi une formation pour devenir designer produit, mais après avoir expérimenté différents types de design, elle décide finalement de se concentrer sur le design matériau, dont elle est aujourd’hui une spécialiste. Ce qu'elle apprécie particulièrement dans cette fonction, c'est son côté interdisciplinaire, sa capacité à évoluer et à toujours proposer de nouveaux défis.  

Sa définition du design

Pour Sarah, le design consiste à attirer l'attention et éduquer. Il est important de construire un système de valeurs plausible, de communiquer et surtout de voir grand. Sarah croit en une conception responsable, suivant le cycle biologique ou industriel, une conception fondée sur la philosophie du « Cradle to Cradle » (soit la possibilité de créer et recycler à l'infini). Aujourd'hui nous dit-elle, il faut mettre l'accent sur notre manière de consommer et sélectionner les bons matériaux.

“Notre technologie et notre méthodologie actuelle nous permettent de résoudre les nombreux problèmes environnementaux à venir, alors qu'attendons-nous pour nous y mettre ?”

Photos par Alina Saladin

L'objectif de ses recherches

Sarah, de son côté, n’attend plus rien pour s’y mettre. Elle se concentre aujourd’hui sur l’upcyclage, soit le fait de travailler les déchets pour en faire de nouveaux matériaux. L'intérêt de cette alternative est double, car il permet non seulement un recyclage, mais aussi une diminution des déchets par la même occasion. Ses recherches ont pour objectif de fournir des matériaux destinés à des produits durables, fabriqués de manière recyclable, afin d'économiser nos ressources et d'éviter l'accumulation des déchets. Il s’agit ensuite de convertir ces matériaux en produits réels, pour prouver qu’ils sont fonctionnels et qu’ils ne sont pas seulement conceptuels.  

L'origine du matériau KUORI

La création de nouveaux matériaux est une tâche complexe qui nécessite la prise en compte de plusieurs facteurs, comme par exemple le coût de production, l'approvisionnement des ressources nécessaires ou encore l'impact environnemental. Mais dans le cas de Sarah, il s'agissait à l'origine de l'aventure KUORI, de répondre aux exigences de ses professeurs.

Photos par Alina Saladin

C'est lors d'un semestre à l'Université des Arts de Berlin, dans un cours de conception de matériaux que la jeune femme réfléchit au concept KUORI pour la première fois. « Nous avions pour mission d'inventer un matériau entièrement nouveau » raconte-t-elle. A l’époque, les questions environnementales étaient déjà au cœur de ses préoccupations et c’est en étudiant le cycle de nos déchets que la jeune femme trouva l’idée. Sarah était stupéfaite de constater la quantité de déchets que nous produisions chaque jour, la quantité d'énergie dépensée pour leur production, ainsi que le nombre de transports et distances que cela représentait. Elle se demanda alors de quelle manière elle pouvait utiliser cette source de matière prolifique, dont personne ne savait quoi faire. C’est ainsi qu’elle développa la première forme de KUORI, un matériau fait de déchets organiques et plus particulièrement de peaux de bananes. « J'ai trouvé l'idée dans une poubelle » dit-elle pour plaisanter.

La première exposition de KUORI à l'Université des Arts de Berlin fut un franc succès. Sarah parvint à remplir ses objectifs en conceptualisant un matériau neuf et responsable. Elle venait d’inventer un nouvel élastomère thermoplastique élastique, soit un matériau durable, capable de se décomposer après utilisation. Pour cette découverte, elle reçut plusieurs demandes de prix et de foires, qui la confortèrent à poursuivre dans cette voie. Quelque temps plus tard, elle décide d’utiliser KUORI pour créer son premier produit, une semelle de chaussure. En voici les raisons…

Son concept : la semelle de la chaussure

Sarah nous révèle que les caoutchoucs dont les semelles sont faites, sont à l'origine de la plus grande quantité de micro-plastiques en circulation dans la nature. Pour nous aider à comprendre, elle choisit l'exemple de la Suisse, son pays d'origine :

“En Suisse, les semelles standards génèrent près de 1000 t de micro-plastiques par an”, puis elle enchaîne. “Bien que ces minuscules particules ne représentent qu'une fraction de la pollution plastique totale, 600 tonnes d'entre elles se retrouvent chaque année dans le sol suisse et près de 15 tonnes dans les rivières et les lacs”.

En effet, ces particules d'une taille inférieure à cinq millimètres sont extrêmement polluantes pour notre environnement. Une fois détachées de la semelle, elles sont acheminées par ruissellement jusque dans les océans, où elles sont ingérées par la faune.

Suite à ce constat alarmant, la jeune femme s'est lancée l'incroyable défi de "révolutionner le marché de la chaussure" grâce au matériau KUORI, qu'elle a conceptualisé quelques années plus tôt. Elle a réussi à créer un premier prototype de semelle plus responsable et moins polluante, avec un nombre infime de microplastiques, comparé au taux moyen présent dans une semelle de chaussure classique.

C'est à ce stade qu'elle entame sa collaboration avec notre studio Punctuate Design, pour travailler sur l'esthétique et la fonctionnalité du projet. Elle raconte : "Thibault a été l'un des premiers designers industriels à m'approcher". Dès la première conversation, nous nous sommes très bien entendus. Nous partageons une approche durable et morale du design produit et une pensée visionnaire.

Photos par Alina Saladin

Sarah et l’avenir de KUORI

Sarah est assez optimiste quant à l’avenir de ses recherches. Elle qui commença à expérimenter dans sa cuisine, se retrouve aujourd’hui à la tête d’une startup en plein essor. Elle possède aujourd’hui une équipe composée de designers matériaux, designers industriels, ingénieurs, spécialistes des matériaux et bien d'autres encore. Ils travaillent maintenant tous ensemble au développement de KUORI et les retours sont plus qu’encourageants. “En tant que jeune start-up dynamique, nous sommes confrontés à différents défis à résoudre chaque jour. Ce qui nous encourage et nous motive toujours, c'est le retour très positif et le soutien de partout” nous confie-t-elle. Nous avons hâte de suivre la suite de leurs aventures !!

La semelle de chaussure en peau de banane est une première étape, mais le matériau KUORI peut potentiellement se décliner en une multitude d’autres produits. Cependant Sarah tient à faire les choses dans le bon ordre :

"KUORI offre une large gamme d'applications. Pour l'instant, nous comptons d'abord révolutionner le marché de la chaussure".

Photos par Alina Saladin

Francois Savaton
Rédacteur pour Punctuate Design / Étudiant à Sciences Po Rennes (France), campus de Caen, spécialisé dans les questions d'environnement et de développement durable.