Comprendre l'indice de réparabilité

Vous souhaitez réduire vos dépenses en équipements électroniques ?

En avez-vous assez de l'obsolescence programmée ?

Ou êtes-vous simplement préoccupé par notre société de surconsommation ?

Chacun d'entre nous a une bonne raison de vouloir réparer les objets qu'il possède plutôt que de s'en débarrasser et d'en acheter un nouveau. Pourtant, il n'est pas possible pour chacun d'entre nous de réparer seul un objet cassé ou qui fonctionne mal, surtout s'il s'agit d'un produit hautement technique, qui nécessite un savoir-faire particulier ou qui contient des composants électriques complexes, par exemple.

Ce que nous voulons en fin de compte en tant que consommateurs modernes, même si nous essayons d'être écologiquement responsables, c'est réparer la casse facilement sans faire appel à quelqu'un d'autre, et ce en investissant le moins d'argent et de temps possible.

La simple vérité est que nous n'avons pas la patience de passer des heures à regarder un petit manuel, presque à l'aveuglette, à bricoler de petits composants étrangers d'un produit dont la technologie nous dépasse. Heureusement, la création de l'indice de réparabilité est venue à la rescousse !

Qu'est-ce que l'indice de réparabilité ?

L'indice de réparabilité a été développé par des chercheurs et des praticiens français et consiste à classer un produit en fonction de sa capacité à être réparé.

Comment l'indice de réparabilité est-il calculé ?

C'est assez simple : on peut trouver une échelle de notation qui va de 1 à 10 ; plus la note est élevée, plus le produit est réparable.

Dans la plupart des cas, il incombe au fabricant de calculer l'indice de son produit. Après l'analyse de réparabilité et une fois la note émise, chaque produit recevant son indice doit afficher visiblement la note qui lui a été attribuée (par exemple sur son emballage) afin d'être correctement commercialisé, à la fois en ligne et dans les magasins.

Comment fonctionne l'indice de réparabilité ?

Les produits soumis à l'indice de réparabilité sont évalués selon 5 critères :

1. L'accès à la documentation

Le premier critère concerne la qualité de la documentation fournie par le fabricant. Elle peut prendre différentes formes, en fonction des choix effectués tout au long du processus de conception et de production, mais elle doit toujours permettre aux utilisateurs (aussi bien les personnes chargées de la réparation que les consommateurs finaux) d'accéder gratuitement aux informations relatives au produit. Cette documentation doit être fournie dans une langue accessible à tous les consommateurs, à l'exception de certains termes techniques qui ne peuvent être traduits. Des schémas de circuits imprimés, des informations sur les composants, des informations de diagnostic et des bulletins techniques doivent également être fournis pour compléter l'information. En ce qui concerne les étapes nécessaires à la réparation du produit, le fabricant est libre d'orienter le consommateur final vers les experts qu'il recommande.

2. La facilité du processus de démontage-remontage 

Le processus de désassemblage et de réassemblage d'un produit est toujours divisé en plusieurs étapes. Chaque étape peut correspondre à la séparation d'un composant de l'ensemble de l'artefact ou même à la nécessité de changer l'outil utilisé au cours de l'opération. En outre, toutes les interventions consistant à sécuriser l'artefact ou l'un de ses composants (par exemple, les étapes nécessaires pour couper le courant électrique) sont également considérées comme des étapes.

En outre, l'indice de réparabilité tient compte de la qualité globale (stabilité, durabilité, etc.) des fixations. Il s'agit de composants ou de matériaux supplémentaires qui permettent de maintenir ensemble plusieurs autres pièces (par exemple, des vis, du ruban adhésif, etc.). Au cours du processus de démontage-remontage, ces dispositifs doivent pouvoir être séparés facilement de l'appareil sans endommager les autres pièces. Ils doivent également être facilement interchangeables ou remplaçables si nécessaire. L'indice de réparabilité exclut donc les fixations de type soudé ou adhésif qui ne sont pas réversibles ou réutilisables. Lorsqu'un dispositif comporte plusieurs types de fixations, ce qui peut parfois arriver, l'indice de réparabilité permet également d'évaluer celles qui sont les moins propices à un démontage-remontage rapide et facile.

‍3.L'accessibilité des pièces détachées‍

Ce troisième critère évalue la qualité du service après-vente pour un produit donné. Si un produit commercialisé a été noté sur l'indice de réparabilité, le fabricant doit faire les efforts nécessaires pour que les pièces détachées nécessaires soient facilement accessibles aux utilisateurs. Pour obtenir un bon indice de réparabilité, le fabricant ou le vendeur doit s'assurer que ces pièces sont disponibles à long terme et qu'elles sont livrées aux utilisateurs qui en font la demande dans un délai raisonnable. De même que pour le critère précédent, la note de l'indice sera déterminée en fonction des pièces les plus difficiles à obtenir pour l'utilisateur.

4. Le prix des pièces détachées

Le prix des pièces détachées est également intégré dans la notation de l'indice de réparabilité. Toutefois, les calculs effectués excluent les taxes et ne comprennent pas les frais de transport ou de livraison. Plusieurs stratégies sont mises à la disposition des fabricants ou des vendeurs pour leur permettre de répondre à ces critères. Par exemple, certains composants sont parfois vendus en lots plutôt qu'individuellement. Et pour gagner des points sur ce quatrième critère, toutes les pièces nécessaires doivent être facilement disponibles sur le marché.

5. Spécificités du produit

Le dernier critère évalue les spécificités d'un produit soumis à l'indice de réparabilité. Par exemple, ce critère peut prendre en compte la présence d'un compteur d'utilisationqui est un outil interne à l'appareil permettant au consommateur de mesurer la durée de vie du produit. Le critère peut ensuite évaluer la manière dont le fabricant communique avec le consommateur sur les éventuelles mises à jour du produit (par exemple, ont-elles été explicitement expliquées au préalable ou non ?) Enfin, le critère de spécificité mesure la présence de services d'assistance qui peuvent fournir aux consommateurs les informations nécessaires pour réparer leur appareil à distance.

Comment interpréter les indices ?

L'indice de réparabilité fonctionne de la même manière qu'un nutri-score (indice sur la qualité des produits alimentaires) ou une étiquette énergie (indice sur l'efficacité énergétique des appareils électroménagers en Europe). En ce sens, l'icône de réparabilité représente une clé à molette sur un engrenage fixé sur un point de couleur. En outre, l'indice de réparabilité adopte un code couleur, ce qui permet aux clients d'identifier plus facilement la note. Ainsi, le point va du rouge vif, pour les produits les moins bien notés, au vert foncé, pour les produits les mieux notés dans le spectre de la réparabilité.

Quelle est la finalité de l'indice de réparabilité ?

En 2022, le journal montréalais Le Devoir rapportait les données d'un sondage réalisé par la société canadienne Équiterre qui révélait que moins de 20 % des Canadiens se donnaient la peine de réparer leurs appareils électroniques endommagés. Parmi les répondants, plusieurs ont dénoncé la difficulté de démonter pour réparer leurs produits, mais aussi l'accès limité aux pièces détachées et aux outils nécessaires pour y parvenir. D'autres ont également mentionné le coût des réparations, qui constitue une autre source de frustration et de dissuasion.

En France, seuls 36 % des habitants déclarent réparer leurs appareils usagés, pour des raisons équivalentes à celles identifiées par l'enquête d'Équiterre citée plus haut. C'est pourquoi le ministère de la Transition écologique a adopté en 2021 l'indice de réparabilité.

L'objectif de l'indice de réparabilité est donc de lutter contre le gaspillage prématuré et l'obsolescence programmée des produits manufacturés et commercialisés. Il encourage les consommateurs à réparer et à préserver au lieu de jeter, ce qui conduit à la production de produits globalement plus durables. Il vise à réduire les frustrations qui peuvent apparaître au cours d'un processus de désassemblage-réparation-réassemblage ainsi que les difficultés rencontrées lorsqu'on essaie d'accéder aux pièces détachées et aux outils. L'avantage de cet indice est qu'il est facilement identifiable par les consommateurs lors de leurs achats en ligne ou dans les magasins.

Quels sont les produits concernés par l'indice de réparabilité ?

En France, les artefacts soumis à l'indice de réparabilité ne concernent que les produits électroniques ou les appareils ménagers.

En effet, depuis le 1er janvier 2021, l'indice ne peut s'appliquer qu'aux 5 produits suivants :

  • lave-linge à chargement frontal (ouverture par l'avant)
  • ordinateurs portables
  • téléviseurs 
  • smartphones
  • tondeuses à gazon

En 2022, le gouvernement français a pris la décision d'étendre cet indice à 4 nouveaux produits qui sont :

  • lave-linge à chargement par le haut (ouverture par le haut)
  • lave-vaisselle
  • aspirateurs (avec ou sans fil ou robots)
  • nettoyeurs à haute pression

Voici un exemple de produits bien classés dans l'indice de réparabilité :

Le Dyson Cinetic Big Ball Animal Pro 2

Un nom long et impressionnant pour un produit assez facilement réparable. En effet, en septembre 2022, l'aspirateur Dyson SY26 a reçu une note d'indice de réparabilité de 7,8/10 basée sur de multiples critères comme le montre la décomposition de la note issue de la plateforme Indice De Réparabilité. Il est donc possible de voir comment chaque critère énuméré précédemment a été étudié, mesuré et noté individuellement, ce qui a permis d'obtenir une note globale supérieure à 10. 

En outre, il est possible de voir comment un seul produit peut également être segmenté ou organisé en plusieurs sous-ensembles (ex. liste 1 et liste 2 ci-dessous) pour simplifier l'exercice. L'observation la plus intéressante est que chaque sous-critère a un coefficient différent, et pèse donc différemment en fonction de sa pertinence/importance sur la note globale :

Source de l'image : Indicereparabilité.fr https://www.indicereparabilite.fr/produit/aspirateur-filaire-sans-sac-dyson-cinetic-big-ball-animal-pro-2/ 

Le lave-linge SAMSUNG ecobubble

Un autre exemple est le lave-linge SAMSUNG ecobubble qui a reçu une note de 8,7/10 en novembre 2020.

Comme le montre le tableau ci-dessous, ce produit présente des sous-critères plus spécifiques, différents de ceux présentés dans l'exemple de Dyson ci-dessus. Par conséquent, l'exercice de notation - ainsi que la note globale - peut également être ajusté et adapté en fonction du contexte du produit (par exemple dans le cadre du 5ème critère) :

Source de l'image : Indicereparabilité.fr 

Quelle entité calcule l'indice de réparabilité ? 

L'indice de réparabilité est calculé par les fabricants ou vendeurs eux-mêmes sur la base de documents et d'outils mis à disposition par le gouvernement français. Les documents nécessaires au calcul de l'indice de réparabilité sont disponibles en français et en anglais sur le site du ministère français de la Transition écologique. Une fois les données entrées dans le système, la grille de calcul traite automatiquement les données entrées pour chaque produit et donne ensuite une note globale sur 10. Cette note doit ensuite être affichée à proximité de l'étiquette de prix si le produit est exposé en magasin, ou être visible à l'écran si le produit est vendu en ligne. 

Les entités responsables sont alors libres d'utiliser l'indice pour promouvoir leur produit, mais elles doivent tenir compte de certaines normes à respecter, notamment en ce qui concerne la conception du pictogramme ou la police de caractères utilisée. La Charte graphique est d'ailleurs également disponible en français et en anglais sur le site du ministère français de la Transition écologique.

De plus, tous les composants, outils et documents utilisés lors du calcul de l'indice de réparabilité doivent être conservés. En cas de contrôle de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), ces documents serviront de preuve. Enfin, à la demande du client, les entités responsables doivent également être en mesure de fournir gratuitement des informations détaillées sur le calcul de l'indice pour leur produit.

Quel est l'impact économique de l'indice de réparabilité ?

Dans une interview au journal Ouest-France, l'économiste Pascale Hébel explique que les consommateurs les plus enclins à réparer leurs appareils défectueux le font davantage par conviction écologique que par intérêt économique. Selon elle, la réparation d'un produit est souvent plus coûteuse que l'achat d'un produit neuf ; c'est pourquoi les personnes qui réparent leurs appareils appartiennent généralement à des classes plus aisées.

Cependant, l'indice de réparabilité vise à encourager les utilisateurs à restaurer et à réparer, plutôt qu'à jeter et à acheter un nouveau produit. Il s'inscrit également dans un objectif politique de réduction des déchets à plus grande échelle. Afin d'encourager tous les consommateurs à atteindre cet objectif, l'indice de réparabilité devrait idéalement permettre, à long terme, de réaliser un gain économique plus important en réparant un appareil plutôt qu'en le rachetant.

Pour les entreprises, l'impact économique de l'indice de réparabilité sera certainement positif, car il encourage le passage à un modèle d'entreprise circulaire en valorisant le "réparable". En 2017, une étude menée par le cabinet de conseil international McKinsey a montré les avantages d'un modèle d'entreprise fondé sur l'économie circulaire. Sur les 28 industries étudiées par l'entreprise, toutes avaient amélioré leur performance écologique tout en réduisant leurs coûts grâce à l'application de ce modèle d'entreprise.

Dans quels pays peut-on trouver l'indice de réparabilité ?

En France, l'introductionet la mise en œuvre de l'indice de réparabilité est une mesure lancée par le gouvernement dans le but de réduire le gaspillage et l'obsolescence programmée. A ce jour, il n'y a pas encore eu d'opportunité d'exportation vers d'autres pays. Cependant, plusieurs initiatives similaires peuvent être trouvées dans le monde.

Aux États-Unis, le Digital Fair Repair Act a été adopté dans l'État de New York pour encourager la réparation des appareils endommagés et limiter l'accumulation des déchets électroniques. Elle oblige les fabricants à fournir toutes les informations relatives à la réparation des appareils électroniques usagés. Selon le sénateur Neil Breslin, cette loi devrait avoir des effets économiques positifs en offrant plus d'opportunités aux petites entreprises, mais aussi plus de choix aux consommateurs, le tout à un meilleur prix.

Au Canada, la législation actuelle n'est pas encore très complète sur les questions de déchets, en particulier celles relatives aux produits électroniques usagés. Cependant, les tendances montrent que la situation actuelle pourrait changer dans les années à venir. Les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par les questions liées à des modèles de consommation plus responsables, comme le montre cet article du magazine québécois "L'actualité", qui titrait en mai 2021 : "nous avons besoin d'un indice de réparabilité".

Au sein de l' UE, la législation européenne a récemment reconnu un droit à la réparation, y compris plusieurs mesures visant à aider les consommateurs à obtenir des pièces détachées plus facilement et à moindre coût.

Dans l'ensemble, plusieurs mouvements se répandent dans le monde avec ce même objectif, comme celui du Repair Café. Ce mouvement né à Amsterdam en 2009 consiste à définir un lieu où les gens peuvent se réunir pour réparer leurs objets endommagés. Ces lieux sont généralement basés sur un principe d'échange de connaissances et de savoir-faire entre les utilisateurs qui les fréquentent. Ils disposent souvent de tous les outils nécessaires à la réparation des objets ainsi que de fortes convictions éthiques.

L'indice de réparabilité encourage donc les consommateurs à se sentir responsabilisés et capables de prendre l'initiative de se réparer eux-mêmes plutôt que de jeter leur article cassé et d'acheter un nouveau produit. Cette option permet de lutter contre le gaspillage prématuré des produits électroniques et l'obsolescence programmée. Cet indice est un premier pas vers des pratiques de consommation plus durables. Il ne fait aucun doute que les années à venir verront l'émergence régulière de nombreuses autres initiatives similaires à travers le monde.

Et vous ?

Comment pourriez-vous rendre votre produit réparable ? Envisagez-vous d'intégrer ce type d'approche ? Et seriez-vous prêt à passer le test de l'indice de réparabilité ?